A l’occasion du dernier film de Bruno Podalydès « La Petite Vadrouille » qui est sorti en salle cet été, nous avons réalisé une interview du réalisateur dans laquelle il nous raconte son amour pour la navigation fluviale.
Votre rencontre avec la navigation fluviale ?
« J’ai adoré tout le monde, de l’atalante de Jean Vigo, des mariniers, j’avais acheté des livres, même des ouvrages. J’avais un livre qui était écrit à la main sur les voies navigables où on voyait le schéma très précis d’une des portes d’une écluse, les maisons éclusières, donc je m’étais beaucoup intéressé à ce petit monde. Arrivé en 2003 j’ai loué pour la première fois, chez Locaboat, une péniche sur le canal du Nivernais, en famille pendant la canicule. On allait vite se mettre sous un arbre pour éviter les chaleurs du soleil et j’avais adoré ce séjour, mes enfants aussi, on a tous adorés et du coup j’ai loué après sur tous les canaux de France un bateau à chaque fois pour arpenter le territoire. »
Qu’est-ce qui vous plait dans cette activité ?
« Chez Locaboat, il y a ce côté de la petite Pénichette, le respect d’une longue tradition, c’est ça que j’ai aimé aussi. La première fois qu’on passe une écluse, on est évidemment inquiet des manœuvres, mais on voit qu’il y a quelque chose de séculaire dans la rythmique : la fermeture des portes, l’ouverture des ventelles, le bassin qui se vide, la sortie du bateau et ça répété plusieurs fois par jour. Il faut aimer ça, toute cette horlogerie très douce, mais moi j’avais beaucoup aimé. »
Une philosophie « slow » ?
« Oui ce n’est pas un problème quand on arrive à une écluse, que ce soit fermé parce que c’est l’heure du déjeuner, on va planter les deux piquets puis casser la croûte à côté et repartir un peu plus tard. Il faut voyager avec des gens qui acceptent fondamentalement le principe, sinon ils vont être malheureux »
Comment avez-vous eu l’idée d’un film qui se passerait sur une Pénichette ?
« Ce que j’ai ressenti en voyageant comme ça de bief en bief c’est toute l’esthétique propre à ce type de locomotion. J’emploie le mot bief parce que je l’ai appris la première fois. C’est un secteur entre deux barrages, entre deux écluses, à chaque fois c’est un petit monde qui s’ouvre, un petit univers. Je me disais : Tiens, cinématographiquement, à chaque fois que les portes s’ouvrent comme ça vers un nouveau bief ça peut être un très joli chapitrage, avec un rythme propre, très doux, on a le temps de regarder à droite à gauche. Si on réalise un film qui est fidèle à cette lenteur, mais pas au sens péjoratif, cette capacité d’éprouver chaque kilomètre et ben on aura quelque chose de nouveau. Je me rends compte qu’au cinéma on n’a pas tant vu que ça de film sur la navigation fluviale. »
Pourquoi y a-t-il si souvent des embarcations dans vos films ?
« J’ai une attirance naturelle pour tout ce qui est embarcations, bateaux, on est tout de suite dans un autre monde, il y a tout de suite un début de liberté. On n’est pas sur des rails, comme sur une route, ou même en avion où il y a une espèce d’angoisse de se tenir en l’air, le fait de se laisser flotter, porté par le courant ou emmené par la voile m’entraîne tout de suite vers un début d’aventure même sans aller bien loin. Je pense qu’un bateau en plus c’est une petite scène de théâtre, c’est un lieu clos qui est propice à des histoires internes qui peuvent nous intéresser, titiller le scénariste qui est en moi. »
L’expérience de tournage sur une Pénichette ?
« J’ai mis Daniel Auteuil et Sandrine Kiberlain à l’avant et quand on les filme de dos on a tout le paysage qui défile devant eux. J’avais plusieurs positions comme ça, aussi la terrasse arrière qui est en hauteur donc qui permettait de découvrir tous les alentours. A chaque fois j’avais des situations de mise en scène facile grâce au bateau. J’ai choisi une grande Flying Bridge parce que c’est une petite péniche qui permet une mise en scène très facile, le fait qu’il y ait un carré central avec toutes les cabines qui convergent ça permettait des facilités de mise en scène très agréables. »
Racontez-nous une anecdote de tournage.
« Le tournage a été beaucoup plus doux, heureux et tranquille que pour liberté Oléron qui était un petit voilier en mer où on cherchait un début de tempête par rapport à l’histoire. Là, au contraire, c’était d’une infinie « coolitude ». Ce qui est bien c’est que la tranquillité d’un canal se transmet à tout le monde. Il y avait une ambiance très détendue dans l’équipe, chez les comédiens. C’est évident Daniel Auteuil était conquis, il ne connaissait pas cet univers, il est arrivé le matin très heureux il m’avait dit « j’espère que ma joie ne contamine pas trop le personnage » mais il n’y avait aucun problème puisque son personnage est réjoui d’être là. Donc je n’ai pas d’anecdote au sens compliqué, de galère qui nous serait arrivée, on était même étonné que tout se passe si bien. »
Votre conseil pour un équipage de rêve ?
« J’aurais bien aimé partir avec Moustaki, comme on dit que c’est un chanteur lent, je l’aurais bien vu fredonner, il aurait pu faire une belle chanson là-dessus d’ailleurs. »
Les écluses, stress ou pas stress ?
« Au début c’est stress, la première, on ne fait pas le malin surtout s’il y a déjà d’autres bateaux à l’intérieur on a peur de se cogner comme les auto-tamponneuses. Maintenant c’est plutôt une pause en fait, c’est une espèce d’arrêt on est là on tient son bout pendant que le bateau descend ou monte puis si le bateau monte on découvre un nouveau paysage. Donc je dirais pause, entre les deux »
Capitaine ou moussaillon ?
« Toujours à la barre, j’adore naviguer. Par rapport à une voiture, il y a une espèce d’inertie du bateau qui est très agréable, on compense, on anticipe avant et après ça devient complètement naturel. C’est très agréable »
Canal du Nivernais ou du Midi ?
« Nivernais sans hésiter, j’aime beaucoup le Nivernais et, là où on a tourné, c’était particulièrement joli parce que c’est encore un endroit où les écluses ne sont pas automatisées, on fait tout à la main, c’est magnifique. »
Les indispensables à mettre dans votre valise ?
« Je suis pour un panama l’été, parce que ça peut grave cogner sur un bateau et avoir un bon imper aussi pour rester à la barre dehors s’il pleut très fort. J’ai aussi des très bons souvenirs de grandes averses comme ça et de garder le cap. »
Canal ou rivière ?
« Ça c’est un choix entre nature ou civilisation, ça dépend des moments, parfois on aime bien les aléas de la rivière et d’autres fois au contraire le fait qu’il ait toujours de l’eau, c’est très rassurant un canal parce qu’il est entretenu, c’est un endroit protégé bien soigné et donc il y a des fois je suis canal d’autres fois je suis rivière. »
Nuit au port ou en pleine nature ?
« Quasiment toujours dans la nature. Les bateaux peuvent emmener beaucoup d’eau potable on est assez autonome. Le principe de planter ses deux piquets, de s’arrêter où on veut est trop bien avec des enfants. Ils courent juste devant, sur le pré à côté, donc non non j’évite de me retrouver en rang d’oignons, en parking, non merci. »
Running gag du fluvial ?
« Moi ce qui me fait rire, ce sont les quelques fois où on croise des bateaux et on voit que le mec s’y croit, il a acheté la casquette, la marinière et il est là hyper sérieux. Ça, ça me fait rire. »
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