Une croisière en bateau sans permis de Bourgogne en Bresse, c’est une occasion rare de découvrir deux des fleurons de la gastronomie française : les vins de Bourgogne, et les volailles de Bresse, peut-être les plus réputées qui soient en France. Entre ces deux régions, un trait d’union : la Saône.
Notre croisière fluviale commence à Saint-Léger-sur-Dheune. En fin d’après-midi, nous prenons possession de « Cuisery », une Pénichette® 1180FB, sous une belle chaleur et un coucher de soleil sublime qui transforme le canal en or.
Nous ne tardons pas non plus à jeter les amarres et à nous engager sur le Canal vers Santenay et Chagny. Sur les rives, quantité de jardins, de potagers ordonnés, de pâtures, et de fermes isolées.
Pour visiter Santenay , stoppez après le pont de Corchanu. Juste après le virage se trouve un appontement où vous pourrez attacher votre Pénichette®. Santenay est un petit village dont les vignes s’étirent sur les coteaux alentour. De longues lignes vertes strient la colline, un peu comme si l’on avait passé un peigne le long des champs. De petits murets séparent les propriétés et les appellations, avec des portails et des grilles qui s’ouvrent sur l’espace vert. Ce paysage est unique au monde, nous sommes en Bourgogne. Nous sommes accueillis au château de Santenay (IXe, XIIe, XVIe siècles) par deux vénérables platanes plantés en 1599, l’histoire ne dit pas par qui. Par contre sachez que vous marchez ici dans les pas de Philippe le Hardi (1302-1404), fils du roi de France Jean II On ne visite pas le château, mais on parcourt ses caves dans lesquelles dorment Mercurey, Clos Vougeot, Aloxe-Corton, Beaune, Pommard et d’autres crus non moins fameux.
De Santenay à Chagny
Il n’y a qu’un pas, que nous franchissons allègrement, pour nous amarrer dans le port, très international : nous y croiserons Allemands sur un bateau de location fan de tourisme fluvial, Norvégiens dans une barque en bois ressemblant à un petit drakkar, et même une péniche aux couleurs américaines !
En son temps, Victor Hugo avait déjà remarqué l’église Saint-Martin et son gros clocher carré des XIe et XIIe siècle. En ville, les amateurs de vieilles pierres et de souvenirs du passé chercheront la tour de la rue des Fossés, du XIIIe siècle, la tour de guet du XVIIIe, l’apothicairerie de l’Hôpital et sa merveilleuse collection de pots en porcelaine, ainsi que le théâtre des Copiaus, jolie salle du XIXe à l’italienne. Chagny est le départ idéal pour cette route des Grands Crus qui emmène jusqu’à Beaune et au-delà, par Chassagne-Montrachet, Puligny-Montrachet, Meursault, Volnay et Pommard. Les panneaux indicateurs seulement sont un appel à l’imagination, mais si vous avez l’occasion de vous aventurer en dehors du bateau, à bicyclette (prévoyez quand même des mollets bien entraînés) ou en taxi, toutes ces petites villes près des canaux regorgent de trésors architecturaux, et bien évidemment, de bonnes adresses gastronomiques trop longues à toutes citer.
Entre Chagny et Chalon.
A la sortie de Chagny, notre Pénichette® traverse un long couloir vert avant d’arriver à une série d’écluses automatiques. Le canal passe à hauteur du toit des maisons. Cela fait toujours un peu bizarre. Comme si l’on circulait sur le faîte d’un barrage. L’écluse 32 nous accueille dans une profusion de fleurs. Un jardin magnifique à l’anglaise, peuplé de dizaines d’essences différentes, harmonieusement plantées. Il y a des éclusiers qui ont vraiment du talent !
Une petite chapelle en ruine, sur le côté gauche, annonce les deux écluses de Fragnes , dans les faubourgs de Chalon-sur-Saône. Nous voici presque rendus à l’une des grandes étapes de notre croisière fluviale sur la Saône, mais avant, il faut passer la dernière écluse, celle qui verrouille l’entrée de la Saône, et qui termine le Canal du Centre. L’écluse de Crissey est impressionnante : presque 11 mètres de chute (10,76m), et une porte aval à guillotine. Tout pour le grand frisson !
Nous arrivons sur la Saône. Changement d’échelle. Tout est plus vaste, plus large.
Idéal pour visiter Chalon, le port de plaisance s’atteint en contournant l’île Saint-Laurent par le sud. A dix minutes à pied du centre-ville, et à proximité d’un supermarché, on le survole par une passerelle piétonne et on arrive rue d’Uxelles et rue de Strasbourg, où les petits restaurants accueillant foisonnent. Le soir, tout s’allume et il est difficile de choisir.
La vieille ville s’articule entre la Cathédrale Saint-Vincent, l’église Saint-Pierre, et la jolie place de Beaune. Dans les rues, de nombreuses demeures anciennes comme la maison des « Quatre Saisons », nommée ainsi en raison des quatre chérubins portant des fleurs, du blé, des fruits ou des fagots symbolisant les saisons. Plus loin on trouve la Maison Ferry, patronyme des anciens propriétaires au XVIIe siècle, dont les médaillons décorent la façade. Tout à côté, dans la petite rue de l’Oratoire, barrée par une jolie passerelle fermée reliant le premier étage des deux maisons sises de chaque côté, se trouve la maison natale de Nicéphore Niepce, inventeur de la photographie. Les passionnés iront dans le musée de l’Hôtel des Messageries (18e), en bord de Saône, pour y voir ses premiers matériels et ceux de Daguerre, son associé. Déjeuner ou dîner place Saint-Vincent fait partie des plaisirs de Chalon, entouré des vieilles maisons à pan de bois, à l’ombre des tours de la cathédrale. Dans cette dernière, on peut remarquer entre autres quelques plafonds moyenâgeux ayant gardé une partie de leurs fresques, des pierres tombales anciennes, une splendide tapisserie (1510) dans la chapelle Notre-Dame-de-Pitié, des piliers magnifiques dont certains rappellent la cathédrale d’Autun, un dallage en trompe l’œil devant le chœur, et un petit cloître charmant, mais pas forcément ouvert.
Donnez-vous un peu de temps pour le Musée Denon, face à l’église St Pierre. Vous y trouverez des peintures de Giordano, de Bassano et du Caravage. Quelques Hollandais de l’âge d’or, une étude de Greuze et un Géricault incroyablement moderne.
Et en revenant vers votre bateau sans permis sur l’île St Laurent, passez par l’Hôpital, où vous verrez l’infirmerie avec les lits tels qu’ils étaient sous la Renaissance, et une incroyable collection de pots du XVIIIe siècle pour les potions et les simples.
La Saône – Tournus
La Saône est un trait d’union entre Bourgogne et Bresse, mais c’est également le lien entre les voies navigables du Sud de la France et celles du Nord, parfait pour une croisière fluviale complète. La rivière est large, grande, et plate. Nous arrivons à l’ancienne écluse du barrage de Grigny, qu’un Allemand astucieux et sympathique a transformé en marina, avec eau, électricité, etc, à l’abri du clapot de la rivière. Il y a même un petit restaurant.
A une grosse heure de là est Tournus, où se trouvent le restaurant Greuze et l’église Saint Philibert. En attendant il faut franchir l’écluse d’Ormes. C’est la seule de notre trajet sur la Saône, mais elle rattrape la quantité par la qualité : 12m de large et 185m de long.
Tournus était une cité des Eduens, l’une des composantes du peuple Gaulois. C’est la porte d’entrée de la Bourgogne. Tournus est l’une des petites villes les plus charmantes que je connaisse. On y croise un bon nombre de maisons Renaissance bien restaurées, ainsi que quelques maisons à pans de bois. La rue principale, décomposée en rue du Docteur Privey, suivi de rue de la République et de rue Désiré Mathivet, possède toutes les boutiques nécessaires pour effectuer son ravitaillement, plus quelques « caves » où dorment des grands crus et d’autres plus abordables, mais très plaisants au palais, et aussi un fromager où personne ne s’étonne lorsqu’on demande du Soumaintrain, un bouton de culotte, ou un cendré de Vergy. Une sorte de petit paradis des odeurs…
Il y a très longtemps, vers 177, Saint Valérien, fuyant les persécutions lyonnaises, vint s’installer à Tournus. Il y fut martyrisé, mais les sanctuaires à l’emplacement de son tombeau furent convertis en abbaye. De l’abbaye ne subsiste que l’église, le cloître, l’Hôtel-Dieu et les parties communes, ainsi que quatre tours de l’ancienne enceinte. L’endroit est de toute beauté, et il faut absolument visiter la crypte avec son puits « sans fond », et l’impressionnante chapelle Saint-Michel.
En ville, près de l’Hôtel de Ville, on visite l’Hôtel-Dieu, autrement dit l’ancien hôpital. Un peu plus loin est l’église de la Madeleine, pure romane, avec six colonnettes différentes au portail, toutes plus ciselées les unes que les autres.
Autant dire qu’il est difficile de repartir de Tournus, mais la Seille nous attend. Notre croisière fluviale reprend et le spectacle qu’elle nous donnera en fin d’après-midi vaudra à lui seul le voyage.
La Seille – Louhans
Il ne faut pas rater le confluent. Les pancartes qui signalent la rivière ne sont pas évidentes à apercevoir du haut de notre Pénichette®. Tout de suite, c’est l’écluse de La Truchère , qui se manœuvre manuellement.
La Seille se déguste ensuite tableau par tableau. Le soleil décline peu à peu, et les reflets des arbres qui commencent à jaunir par endroit créent des tableaux impressionnistes magistraux. C’est de toute beauté. Nous admirons, lorsque… la rivière se change en or. En or liquide ondulé. Nous arrivons à Cuisery encore émerveillés.
Cuisery, Loisy et Louhans
Cuisery est l’un des 6 villages du livre en France, 22 en Europe. Il y a quand même aussi une Histoire, à Cuisery. Témoins l’église Notre-Dame, du XVIe, la Tour Basse, à côté de l’église, les vestiges épars de maisons du XVIe, et la petite église Saint-Pierre, du IXe siècle, reconstruite au XIIe, supposé être le plus ancien monument de la Bresse. Tous les premiers dimanche du mois, c’est la foire… aux livres ! Qu’on se le dise !
A quelques kilomètres se trouve la base Locaboat où vous rendrez peut-être comme nous votre Pénichette®. Faites donc quelques pas et admirez ce joli moulin, l’un des plus anciens de Bresse. Sur la hauteur, caché dans les arbres, le château construit en 1150, mais détruit et reconstruit au XIVe, et l’église Saint-Martin, s ‘il vous reste un peu de temps, offrez-vous les 3h de navigation (aller) et poursuivez jusqu’à Louhans , porte de la Bresse. Vous ne le regretterez pas.
Remonter une rivière depuis son confluent et aller vers sa source, c’est toujours une découverte. La Seille se découvre entre deux rangées d’arbres, éclaircies de champs et de prés de temps à autre. La rivière, encore une fois, entre arbres et ciel, reflets et teintes du jaune au vert, compose une féerie multicolore.
La première chose qui tire l’œil en arrivant à Louhans , c’est le clocher aux tuiles vernissées de l’église Saint-Pierre. Il faut flâner sous les fameuses arcades de Grand Rue. 157 quand même. Derrière l’église, on découvre la place de l’Hôtel de Ville, ombragée par de gros tilleuls. On peut y boire un verre à la fraîche ou avant le déjeuner, en profitant de la tranquillité des lieux. Toute relative, puisque tous les premiers lundi, c’est la foire à la volaille. Etonnant spectacle, qui remplit toutes les rues d’un coup, et qui permet de constater que la volaille bressane se porte bien.
Le poulet inaugure la Bresse et le Jura. Le Vin Jaune et l’Arbois remplacent le Bourgogne. La balade s’arrête ici, car la Seille après Louhans n’est plus navigable. Elle continue vers Lons-le-Saunier, le Jura, et la Franche-Comté. Un autre monde…
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